RAPHAËL SANCHEZ
Composer. Music Director
Sound Designer

 

La Direction d’orchestre / Virtuosité et management

 

 

Par

Raphaël Sanchez

 

 

Conférence du 30 Mai 2000 sur le thème "Virtuosité et Management"

ICAD (Institut des cadres Dirigeants)

 

 

 

 

1. La part de virtuosité : Quelle définition donner à la virtuosité ?

2. Comment composer , comment être créatif ?

3. Comment convaincre son auditoire ?

4. Comment trouver son propre style ?

5. De l'acquis et de l'inné dans le talent.

6- Le moment de l'interprétation : jusqu'où peut-on s'émanciper des règles ?

 

 

 

 

C'est l'art de diriger la musique, c'est aussi l'art de diriger les musiciens .

 

 

1. La part de virtuosité : Quelle définition donner à la virtuosité ?

 

 

Avant de définir plus précisément "la virtuosité", je me dois de résumer brièvement ce en quoi consiste, dans les grandes lignes, le métier de chef d'orchestre dans son aspect purement technique.

Il s'agit au premier abord, et ce à travers une gestuelle qui peut sembler quelque peu obscure et mystérieuse pour le plus grand nombre, de réussir à synchroniser et à "conduire" une équipe de musiciens formant un orchestre, et à les amener à interpréter ensemble (chacun jouant une partie différente) une oeuvre musicale. Lorsque je dis "conduire", ce n'est pas par hasard, car on peut facilement comparer le chef d'orchestre à une sorte de pilote, lequel aurait sous ses doigts l'ensemble des pièces composant son avion, et qui influerait directement sur ces éléments pour l'amener à voler et à naviguer. En l'occurrence, les différentes pièces de cet avion auraient chacune au préalable reçu la connaissance spécifique de leur rôle dans l'ensemble qui forme l'avion, et le pilote utiliserait toutes ces pièces douées de connaissance comme autant d'outils intelligents. Sa conscience des différents outils dont il dispose, sa conscience de la façon de les utiliser, du langage qu'elles utilisent, sa conscience des éléments (la gravité, la portance de l'avion, le vent, etc...) lui permettrait de réaliser sa mission: la navigation.

La comparaison n'est pas futile. Pour communiquer avec les musiciens, il y a un langage spécifique, la notation musicale, qui est à peu près universellement comprise. La partition musicale est un standard, et est suffisamment claire et complexe pour parvenir à obtenir d'un musicien une interprétation sans équivoque. Les indications sont le plus souvent en langage italien, et les termes italiens couramment utilisés sont partie intégrante de l'éducation musicale classique, que ce soit à Tokyo, à Pekin, ou à Paris.

La notation musicale inclut un système métrique lequel consiste en une division du temps, il s'agit d'une unité de valeur qui est indiquée clairement sur chaque partition, et qui permettra à chaque musicien de diviser le temps selon cette même unité de valeur sans équivoque possible. L'un des rôles du chef d'orchestre est de donner à l'orchestre un repère visuel lui permettant de "calibrer" son exécution sur la même "horloge temporelle". Dans un petit groupe de musiciens il n'est pas forcément nécessaire qu'un chef batte la mesure, car l'oreille de chaque musicien suffit amplement à appréhender cette métrique, mais lorsqu'on réunit un certain nombre d'instrumentistes le problème de la distance entre les différents musiciens se pose très vite, créant un retard acoustique, le volume développé par chaque groupe d'instruments empêche les groupes éloignés de s'entendre mutuellement, et un repère visuel devient vite nécessaire. Alors il suffit au musicien de déléguer en quelque sorte cette horloge temporelle au chef d'orchestre pour pouvoir se concentrer sur son rôle de musicien d'orchestre.

Il en va de même pour les nuances, l'expression, le volume et le caractère que donnera le musicien aux phrases musicales qu'il jouera sont par nature subordonnées à ce que joue l'ensemble des musiciens de sa section, et de l'orchestre en tant qu'addition de différentes sections d'instrumentistes. Une nuance, un volume, sont des notions d'amplitude et de variation d'intensité sonore relatives à une échelle de valeurs subjectives dont la valeur de référence est le silence. Il arrive qu'un musicien devant jouer "pianissimo" dans un passage donné puisse penser à juste titre que son rôle est proche de l'inutile, a fortiori s'il entend un vacarme étourdissant sonner par ailleurs chez un autre groupe d'instruments , alors le rôle du chef est aussi de tempérer ce sentiment d'inutilité en rappelant au musicien que le fait de jouer "pianissimo" dans ce passage a son importance vitale dans l'ensemble du spectre sonore. Le chef d'orchestre a la capacité et le devoir d'indiquer à chaque musicien ce qui n'est pas forcément indiqué dans la partition, c'est à dire le rôle qu'il a dans l'Ensemble . Il utilise pour cela sa conviction personnelle, qu'il a forgé après une longue analyse de l'oeuvre. L'expérience joue aussi un rôle important, car la mémoire (même la mémoire d'une oeuvre "entendue" uniquement à la lecture d'une partition musicale et non par le conduit auditif normal) ) crée en permanence chez le chef d'orchestre des points de référence précis, lesquels détermineront par la suite son niveau d'exigeance en matière de qualité de jeu et d'équilibre sonore entre les instruments, sans parler bien sûr d'interprétation et de tempo . Il utilise également pour cela son écoute privilégiée et centrale de l'orchestre . A ce propos il ne faut pas oublier qu'on doit adapter certains paramètres de jeu (amplitude sonore, mais également durée et accentuations des notes) au lieu précis où va se dérouler le concert : un salon tamisé ne transmet pas le son de la même façon qu'une église. C'est aussi le rôle du chef d'étudier la réaction acoustique du lieu de concert et d'adapter le jeu de l'orchestre à cette acoustique pour optimiser l'intelligibilité du jeu des musiciens.

 

On peut dire que la technique de la direction d'orchestre ne s'apprend pas dans un livre .

Autant l'on observe chez un pianiste par exemple une gestuelle comparable, d'un pianiste à l'autre, même s'il existe différentes approches du clavier que nous ne développerons pas ici, autant pour un chef d'orchestre on peut observer que la gestuelle proprement dite, pourtant maintes fois décrite dans de nombreux ouvrages, diffère totalement d'un chef à l'autre. Nous développerons ce point un peu plus tard.

En effet, autant il est possible pour un musicien de travailler son instrument chez soi, autant c'est une chose inconcevable pour un chef d'orchestre, son instrument étant composé d'êtres humains.

Il devra bien sûr apprendre la technique de base (la métrique) avec un autre chef d'orchestre, mais il développera son art au contact des musiciens, en dirigeant le plus possible pour le plus possible d'occasions (concerts, séances d'enregistrement, répétitions, de quelque musique que ce soit, d'ailleurs), pour parfaire et façonner sa technique de travail autant musicale qu'humaine, et pour développer également sa conscience artistique, et finalement son niveau d'exigence, qui est loin d'atteindre au début celui que s'impose le musicien qu'il aura à diriger!

 

Ce qu'il faut retenir, c'est qu'en direction d'orchestre, cette maîtrise de l'horloge temporelle d'une part, et d'autre part cette responsabilité sur l'interprétation de chaque membre de l'orchestre peuvent être utilisées de façon extrêmement différentes, il peut arriver qu'un orchestre habituellement bon sonne bien mal s'il est mal dirigé, et au contraire qu'un orchestre amateur ou de seconde catégorie se trouve magnifié par la présence et le savoir d'un chef d'orchestre, alors la virtuosité en direction d'orchestre, je dirais que c'est l'excellence dans la maîtrise, au plus haut niveau, de l'art de diriger la musique, ce qui implique une conscience paisible des différentes composantes de cet art impalpable, sans laquelle conscience tout effort serait caduque; c'est l'excellence dans l'art de diriger les hommes et les femmes qui l'interprètent, ce qui implique une conscience paisible des différentes composantes de cet outil vivant, ainsi que la maîtrise du langage physique exprimé par son propre corps, la technique de la direction d'orchestre proprement dite, permettant à ces hommes et à ces femmes de comprendre, d'intérioriser et d'exécuter en parfaite synchronisation l'oeuvre telle que le chef d'orchestre imagine dans sa conviction personnelle qu'elle doit être jouée .

 

 

2. Comment composer , comment être créatif ?

 

 

Il s'agit là d'un tout autre chapitre, mais il est important de s'y attarder car c'est là la clé de toute musique.

A mon sens, il est clair que la créativité en art ne s'apprend pas , car il s'agit avant tout d'une qualité. Une qualité qui se cultive. De la même façon qu'une personne douée de talent pour la cuisine va cultiver son art au fil du temps.

Pour composer, il faut en éprouver le besoin, et c'est un don que d'être doué de ce besoin.

Les occasions qui amènent à être animé par ce besoin sont infinies, cela peut surgir d'un état d'âme chez le compositeur, d'une situation de la vie qui impose à lui une image sonore vivante, tout comme le rêve peut être le reflet déguisé d'un sentiment passager. Une image sonore "vivante" car la musique a dans ses composantes essentielles le temps.

Cette image sonore qu'il "entend" comme en rêve éveillé peut ou non l'amener à la "fixer" sur un support (papier à musique ou enregistrement) de même qu'on peut ou non ressentir le besoin d'écrire un rêve.

Différentes technique liées à l'écriture musicale viennent alors en renfort au service de la transcription de ce rêve musical, sans quoi il serait bien difficile au compositeur de l'exprimer sur le papier.

A ce stade, l'imagination est en mouvement, le compositeur procède à une prise de notes succinctes, pour ne pas être trop déconcentré de son "rêve éveillé", et une parfaite oreille musicale est indispensable car à ce stade on prend littéralement en dictée les éléments apparents de ce rêve musical. Une excellente mémoire est également indispensable pour prendre le relais, car à ce stade on s'en sert comme d'une sorte de magnétophone interne.

Un magnétophone multipistes, diraient certains, car plus on approfondit l'instant musical figé pour le noter, plus celui-ci se décompose en différentes parties bien distinctes, lesquelles deviendront orchestration ; Le compositeur analyse l'instant figé dans sa mémoire de la même façon qu'un fin connaisseur saura analyser les différentes composantes d'un vin ou d'un plat.

En fait, il serait faux de croire que l'oeuvre s'impose au compositeur dans son ensemble.

Le rêve n'est pas exactement figé, le compositeur a bien sûr tout pouvoir pour le façonner et pour le faire évoluer à sa guise, et lorsque celui-ci devient trop complexe pour être appréhendé par la mémoire, les grandes lignes risquent de se perdre, et c'est là qu'à mon sens le papier devient indispensable comme support de travail, de mémoire, et de développement.

Bien sûr, il existe également d'autres façons de composer, l'envie de créer peut se produire par exemple au contact d'un clavier de piano ou de n'importe quel instrument de musique chez certains improvisateurs, pour peu qu'ils connaissent un tant soit peu cet instrument, ils se laissent guider par leur instinct, lequel met leur technique au service de leur imagination. S'ils ne possèdent pas la technique de la notation musicale ils peuvent utiliser des moyens techniques modernes dont on dispose très facilement, un simple dictaphone peut faire l'affaire.

Pour d'autres, il s'agit, comme, j'imagine, chez les chercheurs, de mettre leurs connaissances musicales au service d'une démonstration mathématique. C'est quelquefois presque un jeu. Les notes de la gamme, chez les anglo-saxons, s'écrivant en lettres simples (C, D, E, F, etc.), on observe de nombreuses oeuvres musicales créées à partir d'un simple nom, d'un mot, voire d'une jeu de mots...

Certains même s'amusent à transcrire au moyen de logiciels puissants des parties d'échecs en musique, en affectant aux différentes pièces et cases de l'échiquier une valeur musicale, un son, une nuance, et tentent de faire jouer le résultat par un orchestre. Sans commentaire, il s'agit là bien évidemment d'un jeu.

Mais revenons-en au compositeur dont nous parlions en premier. A ce stade de lecture et de transcription de l'instant figé dans sa mémoire, il a eu le temps de placer 80 musiciens dans son orchestre intérieur, et n'a écrit que quelques secondes de musique sur sa partition, il s'agit d'un développement dit "vertical" de l'oeuvre, une sorte de "mise en couleurs" d'un passage et ce qui l'animait c'était peut-être une mélodie, alors n'oublions pas de faire vivre et évoluer ces précieuses couleurs dans le temps pour en faire de la musique. Il s'agit maintenant de développement "horizontal", c'est à dire évoluant dans le temps.

La mélodie est le premier exemple d'une couleur sonore évoluant dans le temps. Sa couleur, c'est son timbre, ou les différents timbres qui la composent. Son rôle peut être tenu par différents instruments, tantôt un tantôt plusieurs, soutenu parfois par certains doublages d'instruments qui lui confèrent une couleur particulière. Elle peut être mise en valeur par un accompagnement, lequel peut être formé de différentes mélodies, de réponses, d'appels, mélodiques et rythmiques, lesquels peuvent être eux-mêmes soutenus par autant d'autres facteurs d'équilibres sonore. C'est tout cela l'orchestration, et chaque instrument de l'orchestre peut passer d'un rôle à l'autre dans ces différentes composantes de l'équilibre sonore vivant ainsi créé.

L'orchestration vient au service du compositeur pour l'amener à créer des textures sonores intelligentes lui permettant d'exprimer le sentiment qui l'a amené à composer.

C'est pourquoi le travail du chef d'orchestre trouve sa clé ici, dans la conscience qu'il a, à travers la partition qu'a laissé le compositeur, de l'importance de chaque élément de la partition . Car son rôle premier est de faire revivre à l'orchestre et au public le rêve du compositeur dans toute sa complexité. S'il réussit à recréer l'émotion qui a provoqué ce rêve, alors c'est bien plus qu'un virtuose, c'est un grand musicien.

 

 

3. Comment convaincre son auditoire ?

 

En règle générale, je rappelle que le chef d'orchestre doit avoir au préalable rebâti dans son imagination l'architecture de l'oeuvre, qu'il a une conscience limpide du rôle de chaque instrument à chaque instant, du "tempo", et qu'il maîtrise parfaitement la technique et la gestuelle qui lui permettront de transmettre à l'orchestre ces désirs. Mais ce n'est pas tout.

Il doit être aussi un meneur d'hommes , et doit être doué de qualités humaines sans quoi l'orchestre ne pourrait pas travailler dans les meilleures conditions.

Si l'un de ces points s'avérait incertain, la position même du chef s'en trouverait cruellement et rapidement mise en question par l'orchestre.

Rappelons que les musiciens ont le plus souvent beaucoup plus d'expérience que le chef qui les dirige , et que la flexibilité qu'obtient un chef de ses musiciens n'est pas une chose acquise de par sa position de chef, mais bien par son talent. N'oublions jamais que les musiciens sont pour la plupart de véritables virtuoses, et qu'ils ont tous traversé un véritable chemin de croix pour en arriver là. Ils sont souvent par ailleurs professeur de leur propre instrument, et leurs connaissances musicales sont souvent bien loin de s'arrêter au "minimum syndical" qui leur permet de jouer la partition qu'ils ont sur leur pupitre !

Les musiciens ont, et c'est légitime, des exigences vis-à-vis de leur chef et il est fréquent qu'un mauvais chef soit renvoyé sur décision des membres de l'orchestre.

Mais rassurons-nous, ils ont aussi conscience du fait qu'un jeune chef doit aussi disposer d'un minimum d'expérience pour faire ses preuves, sachant bien que, comme dit précédemment, contrairement à eux le chef d'orchestre n'a pas eu la chance comme eux de disposer de son instrument à la maison.

Les qualités humaines dans ce cas sont doublement importantes, un jeune chef d'orchestre condescendant, vaniteux, de mauvaise foi, et de surcroît instable techniquement n'a pas grande chance d'être aimé des musiciens. Si, de plus, il montre des faiblesses dans l'interprétation qu'il veut imposer aux musiciens, je ne donne pas cher de sa longévité dans cet orchestre.

Si, au contraire il fait preuve d'une grande écoute, d'une vision passionnée de l'oeuvre qu'il dirige, s'il accepte la critique, s'il ne cherche pas l'autorité à tout prix, il donnera volontiers aux musiciens une image séduisante et réussira peu à peu à se faire aimer des membres de l'orchestre malgré son évidente faiblesse ; alors la collaboration peut commencer, mais l'orchestre attendra de lui qu'il progresse, sans quoi une lassitude pourrait s'installer qui empêcherait toute évolution de cete relation et qui réduirait irrémédiablement ces efforts à néant.

Mais il y a un autre aspect que nous nous devons d'aborder à ce stade, sans quoi nous ferions une grossière erreur de schématisation :

Diriger un orchestre, c'est diriger des gens .

Doit-on rappeler qu'un musicien d'orchestre est avant tout un être humain, qu'il a une famille, qu'il a faim aux heures des repas, qu'il doit s'hydrater régulièrement et ne jamais manquer d'oxygène ?

Cela semble évident, mais il arrive que, débordant d'énergie, pris dans l'élan d'une répétition, on oublie purement et simplement une pause syndicale.

J'ai entendu une fois un musicien dire : "tel chef est un excellent chef, il nous a libéré 20 minutes plus tôt que l'heure prévue !". Cela se passe de commentaire?.

 

Je crois que le bon chef d'orchestre n'a pas seulement besoin d'être un virtuose dans son art, mais aussi dans la psychologie de groupe.

Il y a certaines "loi" que l'on se doit de respecter, par exemple d'éviter de pousser un musicien à se sentir humilié publiquement.

Je m'explique : il arrive qu'un musicien, par inattention, se trompe, c'est humain. Si l'erreur, à la relecture du passage, se répète, on doit faire preuve de patience, et si ça ne suffit pas il faut agir : Le fait, par exemple, de s'adresser au groupe en place de l'individu concerné ("messieurs les clarinettistes, à le mesure 153, pourriez-vous vérifier l'accord ?"), suffit à montrer avec une extrême précision que la faute a été entendue et cernée, le groupe de musiciens concerné (en l'occurrence les clarinettistes) indiquera discrètement au musicien en question son erreur sans qu'il soit besoin de le montrer du doigt, et de la sorte (et cela va très vite) celui-ci sera reconnaissant au chef d'orchestre de lui avoir évité de le citer devant tout l'orchestre. Il n'aura pas à perdre la face. Idem pour le groupe de musiciens mis en défaut un court instant, et l'on ne pourra que louer le chef d'orchestre pour la qualité de son oreille musicale ("il entend tout !"). Ce petit incident participe à la création d'un état de respect envers le chef d'orchestre, et provoquera chez les musiciens une exigence supplémentaire par rapport à eux-mêmes en tant qu'instrumentistes de haut niveau : se sachant écoutés avec qualité, il joueront d'autant mieux. C'est la meilleure forme de respect que peut leur offrir un chef, une écoute attentive de leur talent .

 

C'est ainsi que naît la collaboration entre les musiciens et leur chef d'orchestre, à travers un respect mutuel franchement exprimé.

 

4. Comment trouver son propre style ?

 

Il est vrai qu'il y a autant de styles que de chefs, même si en cherchant bien on peut retrouver des similitudes entre certains d'eux, et même parler d' "écoles", comme chez les peintres.

Je pense que le style d'un chef découle de son propre vécu, de son physique (la taille de ses bras par exemple) , de sa vision de la musique et de ce qu'il souhaite exprimer à travers elle.

Certains sont romantiques, d'autres des maîtres de la mathématique, certains font de grands gestes, d'autres parviennent à transmettre beaucoup d'énergie à l'orchestre avec une grande parcimonie de gestes, certains semblent diriger pour le public, certains semblent s'effacer pour laisser s'exprimer les musiciens, c'est très varié.

Tout dépend de l'approche-même qu'a un chef sur son propre rôle : certains se veulent les maîtres incontestés du tempo parfait, d'autres sont animés par le désir de faire ressortir d'une oeuvre son essence musicale.

Je pense qu'un chef se voit rarement diriger, et que son style est l'émanation de sa personnalité . C'est celle-ci qui évolue à travers son accomplissement d'homme et à travers son métier de chef d'orchestre, et son attitude envers l'orchestre en est le reflet.

 

 

5. De l'acquis et de l'inné dans le talent.

 

 

Tout d'abord , qu'est-ce que le talent ?

Le fruit d'années de travail intenses pour comprendre et maîtriser son art ?

L'expression de l'inspiration artistique, décuplée par l'expérience acquise pendant ces années de travail intense ?

Ou tout simplement un don de la nature, un don de clairvoyance de cette dimension qu'est l'art, et de l'exprimer ?

C'est un peu tout cela à la fois.

Peut-on dire d'un virtuose qui, lors d'un concert, ne parvient pas à émouvoir le public à travers l'oeuvre qu'il interprète, qui est dénué de talent ?

Peut-on dire qu'il aurait traversé ce chemin de croix qui sépare le débutant du virtuose grâce à sa seule technique ? ou pire, grâce à ses relations?

Peut-on dire d'un enfant qui joue de mémoire "Au clair de la lune" qu'il a du talent ? Ce sont là des questions délicates.

Je crois pour ma part qu'un individu naît avec une certaine dose de talent, et que son environnement familial, son expérience, lui révèlent ce talent qui peu à peu s'impose à lui et va le guider naturellement vers l'apprentissage de l'outil qui lui permettra de le développer, et ce pour tous les talents, qu'il s'agisse de musique, de peinture, de cuisine ou de commerce, il y a un art dans tout métier.

Ensuite vient le travail, l'étude, qui l'aidera à développer pleinement son art tout en l'informant sur les techniques ayant existé par le passé. De la sorte, l'individu prend pleinement son rôle, qui est aussi de perpétuer la connaissance de son art et de faire évoluer les techniques qui s'y rapportent.

Pour ce qui concerne le chef d'orchestre, devant apprivoiser la masse sonore pour la façonner, lui apporter l'indispensable relief pour la faire devenir musique, je dirais que le talent c'est de réussir à guider les hommes et les femmes qui constituent l'orchestre, et à travers eux, de réussir à recréer l'émotion que le compositeur a souhaité exprimer sur sa partition .

Il y a une observation amusante, puisque nous parlons de direction d'orchestre :

L'art de la direction d'orchestre mettant en exergue des sens tels que la conscience du temps et la conscience des éléments qui constituent un tout , le savant mélange de ces éléments donnant la consistance sonore, impalpable, et cet art donnant à celui qui l'exerce une sensibilité accrue pour ces sens en particulier, il n'est pas rare qu'un bon chef d'orchestre soit également doué en cuisine ! Il mélangera les ingrédients de ses plats jusqu'à parvenir aux saveurs qu'il aura imaginées au préalable, et ce avec la même sensibilité.

 

 

6. Le moment de l'interprétation :

jusqu'où peut-on s'émanciper des règles ?

 

 

Il faut rappeler ici que 80 % du travail du chef et de l'orchestre se passe avant et pendant les répétitions . Au cours de ces répétitions se forgeront, d'une part les rapports entre les différents membres de l'orchestre, dont le chef ; d'autre part c'est au moment des répétitions que le chef aura la possibilité de découvrir aux musiciens sa vision de l'oeuvre qu'ils vont interpréter, et les musiciens n'auront que ces répétitions pour prendre note des indications du chef d'orchestre.

Le deuxième outil du musicien, et vous ne trouverez pratiquement jamais un musicien démuni de cet outil , c'est le crayon !

Pendant ces répétitions , au moyen d'indications verbales ou gestuelles, le chef façonnera l'interprétation des musiciens, telle une sculpture vivante, et c'est pratiquement le seul moment où cela est possible, puisqu'ils sont réunis dans ce but. On peut bien sûr avoir différents entretiens privés avec certains membres de l'orchestre avant ou après les répétitions, prendre le temps de vérifier les coups d'archets avec le premier violon, répéter à part avec les solistes, tout cela est possible mais le travail d'ensemble est irremplaçable.

Le moment de l'interprétation, tant pour le chef d'orchestre que pour chacun des musiciens, est une performance physique et cérébrale extrêmement intense . L'acoustique de la salle, la présence du public décuplent un stress productif chez chaque musicien et crée chez lui une envie de se surpasser. La concentration de chacun est à son maximum, et tous ont conscience de la fragilité de l'équilibre sonore fastidieusement bâti en répétitions.

 

Ce serait faire prendre un bien grand risque à tout cet équilibre que de le mettre en péril au profit d'une inspiration soudaine, ce serait également renier le fait que ce concert est l'aboutissement d'un long travail au cours duquel peu de choses ont été laissées au hasard.

Cependant, si l'on sent que les rouages de la machine orchestrale fonctionnent, de la même  façon qu'on sait quand une voiture est rodée, la technique pure de la direction d'orchestre pourra agréablement s'alléger, pour aller à l'essentiel et faire place à la musicalité.

 

 

Raphaël Sanchez , Mai 2000

 

Français       English

 

The Art of Orchestral Conducting / Virtuosity and Management

 

 

by

Raphaël Sanchez

 

 

ICAD (Institut des cadres Dirigeants)

Conference of 30 Mai 2000 "Virtuosity and Management"

 

 

 

 

 

1. Virtuosity: What definition to give to virtuosity?

2. How to compose, how to be creative?

3. How to convince your audience?

4. How to find your own style?

5. The acquired and the innate in the talent.

6- The moment of interpretation: how far can one free oneself from the rules?

 

 

 

 

It's the art of directing music, it's also the art of directing musicians.

 

 

 

1. Virtuosity: What definition to give to virtuosity?

 

 

Before defining more precisely "the virtuosity", I must briefly summarize what is in broad outline, the profession of conductor in its purely technical aspect.

It is at first glance, and this through a gesture that may seem somewhat obscure and mysterious for the greatest number, to succeed in synchronizing and "lead" a team of musicians forming an orchestra, and to bring them to to interpret together (each playing a different part) a musical work. When I say "driving", it is not by chance, because one can easily compare the conductor to a kind of pilot, who would have under his fingers all the parts composing his plane, and which would directly influence these elements to get him to fly and sail. In this case, the various parts of this aircraft would have each previously received the specific knowledge of their role in the assembly that forms the aircraft, and the pilot would use all these pieces endowed with knowledge as so many intelligent tools. His awareness of the various tools at his disposal, his awareness of how to use them, the language they use, his awareness of the elements (the gravity, the lift of the plane, the wind, etc ...) would allow him to achieve his mission: navigation.

 

 

The comparison is not futile. To communicate with musicians, there is a specific language, musical notation, which is almost universally understood. The musical score is a standard, and is sufficiently clear and complex to obtain from a musician an unequivocal interpretation. The indications are most often in Italian, and the Italian terms commonly used are an integral part of classical music education, be it in Tokyo, Beijing, or Paris.

The musical notation includes a metric system which consists of a division of time, it is a unit of value which is clearly indicated on each score, and which will allow each musician to divide the time according to this same unit of value with no ambiguity.

One of the roles of the conductor is to give the orchestra a visual cue to "calibrate" its performance on the same "time clock". In a small group of musicians it is not necessarily necessary that a leader beats the measure, because the ear of each musician is amply sufficient to apprehend this metric, but when a certain number of instrumentalists are brought together the problem of distance between different musicians arises very quickly, creating an acoustic delay, the volume developed by each group of instruments prevents distant groups to hear each other, and a visual cue quickly becomes necessary.

Then it is enough for the musician to somehow delegate this time clock to the conductor to be able to concentrate on his role of orchestral musician.

 

 

The same applies to the nuances, the expression, the volume and the character that the musician will give to the musical phrases that he will play are by nature subordinate to what the musicians of his section play, and of the orchestra as an addition of different sections of instrumentalists. A nuance, a volume, are notions of amplitude and sound intensity variation relative to a subjective value scale whose reference value is silence. Sometimes a musician who has to play "pianissimo" in a given passage can rightly think that his role is close to the useless, especially if he hears a deafening racket sounding elsewhere in another group of instruments, then the role of the leader is also to temper this feeling of uselessness by reminding the musician that playing "pianissimo" in this passage has its vital importance in the entire sound spectrum. The conductor has the ability and the duty to indicate to each musician what is not necessarily indicated in the score, ie the role he has in the Ensemble. He uses for that his personal conviction, which he forged after a long analysis of the work. The experiment also plays an important role, because the memory (even the memory of a work "heard" only when reading a musical score and not by the normal auditory canal)) creates permanently in the conductor Precise reference points, which will then determine his level of demand for playing quality and sound balance between instruments, not to mention interpretation and tempo. He also uses for this his privileged and central listening of the orchestra. In this regard we must not forget that we must adapt certain game parameters (sound amplitude, but also duration and accentuations of the notes) to the precise place where the concert will take place: a sifted lounge does not transmit the sound of the same way a church. It is also the role of the conductor to study the acoustic reaction of the concert venue and to adapt the orchestra's play to this acoustics to optimize the intelligibility of the musicians' playing.

 

 

It can be said that the technique of conducting is not learned in a book.

As much as we observe in a pianist for example a comparable gesture, from one pianist to another, even if there are different approaches to the keyboard that we will not develop here, as much for a conductor we can observe that the gesture properly so called, though many times described in many works, differs totally from one chief to another. We will develop this point a little later.

Indeed, as much as it is possible for a musician to work his instrument at home, as much is inconceivable for a conductor, his instrument is composed of human beings.

He will of course have to learn the basic technique (metrics) with another conductor, but he will develop his art in contact with the musicians, directing as much as possible for as many occasions as possible (concerts, recording sessions , rehearsals, of whatever music, for that matter), to perfect and shape his musical as well as human work technique, and also to develop his artistic awareness, and finally his level of exigency, which is far from to reach at the beginning the one imposed by the musician he will have to direct!

 

 

 

What must be remembered is that in orchestral conducting, this mastery of the temporal clock on the one hand, and on the other hand this responsibility on the interpretation of each member of the orchestra can be used in extremely different ways, it can happen that a normally good orchestra sounds very bad if it is badly directed, and on the contrary that an amateur orchestra or second-class orchestra is magnified by the presence and knowledge of a leader of orchestra, then virtuosity in conducting, I would say that it is excellence in the mastery, at the highest level, of the art of directing music, which implies a peaceful awareness of the different components of that impalpable art, without which every effort would be obsolete; it is excellence in the art of directing the men and women who interpret it, which implies a peaceful awareness of the different components of this living tool, as well as the mastery of the physical language expressed by one's own body, the technique of orchestral conducting, allowing these men and women to understand, internalize and perform in perfect synchronicity the work as the conductor imagines in his personal conviction that it must to be played.

 

 

 

2. How to compose, how to be creative?

 

 

This is a completely different chapter, but it is important to dwell on it because this is the key to all music.

In my opinion, it is clear that creativity in art can not be learned because it is above all a quality. A quality that is cultivated. In the same way that a talented person for cooking will cultivate his art over time.

To compose, one must feel the need, and it is a gift to be endowed with this need.

The opportunities that lead to being driven by this need are endless, it can arise from a state of mind in the composer, a situation of life that imposes on him a living sound image, just as the dream can be the disguised reflection of a passing feeling. A sound image "alive" because the music has in its essential components the time.

This sound image that he "hears" as in waking dream may or may not lead him to "fix" it on a support (paper music or recording) just as one can or not feel the need to write a dream .

Different techniques related to the musical writing then come in reinforcement in the service of the transcription of this musical dream, otherwise it would be very difficult for the composer to express it on paper.

At this stage, the imagination is in motion, the composer takes a brief note, so as not to be too deconcentrated from his "waking dream", and a perfect musical ear is essential because at this stage we literally take dictation the apparent elements of this musical dream. An excellent memory is also essential to take over, because at this stage it is used as a kind of internal tape recorder.

 

 

A multitrack tape recorder, some would say, because the more one deepens the musical moment fixed to note it, the more it is broken down into different parts, which will become orchestration; The composer analyzes the moment frozen in his memory in the same way that a connoisseur knows how to analyze the different components of a wine or a dish.

In fact, it would be wrong to believe that the work is binding on the composer as a whole.

The dream is not exactly fixed, the composer has of course all the power to shape it and to make it evolve as it pleases, and when it becomes too complex to be apprehended by the memory, the outline may be lost and this is where, in my opinion, paper becomes indispensable as a support for work, memory, and development.

Of course, there are also other ways of composing, the desire to create can occur for example in contact with a piano keyboard or any musical instrument among some improvisers, if they know a little bit this instrument, they let themselves be guided by their instinct, which puts their technique at the service of their imagination. If they do not have the technique of musical notation they can use modern technical means that are very easily available, a simple dictaphone can do the trick.

For others, it is, as I imagine, among researchers, to put their musical knowledge at the service of a mathematical demonstration. It is sometimes almost a game. The notes of the range, among Anglo-Saxons, written in simple letters (C, D, E, F, etc.), we observe many musical works created from a simple name, a word, even a play on words ...

 

Some even have fun playing music chess games with powerful software, assigning a musical value, a sound, a nuance to the various pieces and squares of the chessboard, and try to make the result play out. orchestra. Without comment, this is obviously a game.

But let's go back to the composer we were talking about first. At this stage of reading and transcription of the moment frozen in his memory, he had time to place 80 musicians in his orchestra inside, and wrote only a few seconds of music on his score, it is about 'a development called "vertical" of the work, a kind of "coloring" of a passage and what animated it was perhaps a melody, so do not forget to make live and evolve these precious colors in time to make music. It is now about "horizontal" development, ie evolving over time.

The melody is the first example of a sound color changing over time. Its color is its stamp, or the different stamps that compose it. Its role can be held by different instruments, sometimes one sometimes several, supported sometimes by some doublings of instruments that give it a particular color. It can be highlighted by an accompaniment, which can be formed of different melodies, responses, calls, melodic and rhythmic, which can themselves be supported by so many other factors of sound balance. This is all orchestration, and each instrument of the orchestra can move from one role to another in these different components of the living sound balance thus created.

The orchestration comes to the composer's service to create intelligent sound textures that allow him to express the feeling that led him to compose.

 

 

 

That is why the work of the conductor finds its key here, in the consciousness he has, through the score that the composer left, of the importance of each element of the score. Because his primary role is to bring back to the orchestra and the public the dream of the composer in all its complexity. If he succeeds in recreating the emotion that provoked this dream, then he is much more than a virtuoso, he is a great musician.

 

 

3. How to convince your audience?

 

As a general rule, I remind you that the conductor must have first reconstructed the work's architecture in his imagination, that he has a clear awareness of the role of each instrument at every moment, the "tempo", and that he masters perfectly the technique and the gestures that will allow him to transmit to the orchestra these desires. But that's not all.

He must also be a leader of men, and must be endowed with human qualities otherwise the orchestra could not work in the best conditions.

If one of these points proved uncertain, the leader's position would be cruelly and quickly questioned by the orchestra.

Remember that musicians often have much more experience than the conductor who directs them, and that the flexibility that a leader of his musicians obtains is not something acquired by his position of leader, but by his talent. Let's never forget that the musicians are for the most part virtuosos, and that they have all crossed a true way of the cross to get there. They are also often teachers of their own instrument, and their musical knowledge is often far from stopping at the "minimum union" that allows them to play the score they have on their desk!

Musicians have, and this is legitimate, demands on their conductor and it is common for a bad conductor to be dismissed by the members of the orchestra.

 

 

But rest assured, they are also aware of the fact that a young conductor must also have a minimum of experience to prove himself, knowing that, as said before, unlike them the conductor has not had the chance like them to dispose of his instrument at home.

The human qualities in this case are doubly important, a young conductor condescending, vain, bad faith, and moreover technically unstable has little chance to be liked musicians. If, moreover, it shows weaknesses in the interpretation that it wants to impose on the musicians, I do not give expensive of its longevity in this orchestra.

If, on the contrary, he shows a great listening, a passionate vision of the work he directs, if he accepts criticism, if he does not seek authority at all costs, he will willingly give to the musicians a seductive image and will succeed little by little to be liked by the members of the orchestra in spite of its evident weakness; then the collaboration can begin, but the orchestra will wait for it to progress, otherwise a weariness could take hold that would prevent any evolution of this relationship and that would irremediably reduce these efforts to nothing.

But there is another aspect that we must address at this stage, otherwise we would make a gross error of schematization:

Leading an orchestra is leading people.

Should we remind that an orchestral musician is above all a human being, that he has a family, that he is hungry at mealtimes, that he must hydrate regularly and never run out of oxygen? ?

It seems obvious, but it happens that, overflowing with energy, taken in the impetus of a repetition, one simply forgets a trade union break.

I once heard a musician say: "Such a chef is an excellent chef, he released us 20 minutes earlier than the scheduled time!" This is self-explanatory and has legitimate demands on their leader and it is common for a bad leader to be dismissed by the members of the orchestra.

 

 

I believe that a good conductor not only needs to be a virtuoso in his art, but also in group psychology.

There are certain "laws" that we must respect, for example to avoid pushing a musician to feel publicly humiliated.

Let me explain: it happens that a musician, by inattention, is mistaken, it is human. If the error, when reading the passage, is repeated, we must be patient, and if that is not enough we must act: The fact, for example, to address the group in place of the individual concerned ("gentlemen clarinetists, to measure 153, could you check the agreement?"), suffice to show with extreme precision that the fault was heard and surrounded, the group of musicians concerned (in this case the clarinettists ) discreetly indicate to the musician in question his mistake without the need to point the finger, and in this way (and it goes very quickly) it will be grateful to the conductor for having avoided him to quote before the whole orchestra. He will not have to lose face. Ditto for the group of musicians faulted for a short time, and we can only praise the conductor for the quality of his musical ear ("he hears everything!"). This small incident contributes to the creation of a state of respect towards the conductor, and will provoke the musicians an additional requirement in relation to themselves as high level instructors: knowing that they are listened to with quality, he will play all the better. It is the best form of respect that a leader can offer them, listening attentively to their talent.

 

 

This is how the collaboration between the musicians and their conductor is born, through a mutual respect frankly expressed.

 

4. How to find your own style?

 

It is true that there are as many styles as leaders, although if looking well we can find similarities between some of them, and even speak of "schools", as with painters.

I think that the style of a chef comes from his own experience, his physique (the size of his arms for example), his vision of music and what he wants to express through it.

Some are romantic, others masters of mathematics, some make great gestures, others manage to transmit a lot of energy to the orchestra with a great parsimony of gestures, some seem to direct for the public, some seem to 'erase to let the musicians express themselves, it is very varied.

It all depends on the same approach a leader has on his own role: some want to be the undisputed masters of the perfect tempo, others are driven by the desire to bring out a musical essence.

I think that a leader is rarely directed, and that his style is the emanation of his personality. It is this which evolves through his accomplishment of man and through his profession of conductor, and his attitude towards the orchestra is the reflection of it.

 

 

 

5. The acquired and the innate in the talent.

 

 

First of all, what is talent?

The result of years of intense work to understand and master his art?

The expression of artistic inspiration, increased tenfold by the experience gained during these years of intense work?

Or simply a gift of nature, a gift of clairvoyance of this dimension that is art, and to express it?

It's a bit of all at once.

Can we say of a virtuoso who, during a concert, does not manage to move the public through the work that he interprets, which is devoid of talent?

Can we say that he would have crossed this path of the cross which separates the beginner from the virtuoso thanks to his only technique? or worse, thanks to his relationships?

 

Can we say of a child who plays with memory "In the light of the moon" that he has talent? These are tricky questions.

For my part, I believe that an individual is born with a certain dose of talent, and that his family environment, his experience, reveal to him that talent which is gradually imposing on him and will naturally guide him towards the learning of the world. the tool that will allow him to develop it, and this for all talents, whether music, painting, cooking or trade, there is an art in any trade.

Then comes the work, the study, which will help him to fully develop his art while informing him about the techniques that have existed in the past. In this way, the individual takes his role fully, which is also to perpetuate the knowledge of his art and to evolve the related techniques.

Regarding the conductor, having to tame the sound mass to shape it, bring him the essential relief to make it become music, I would say that the talent is to succeed in guiding the men and women who constitute the orchestra, and through them, succeed in recreating the emotion that the composer wished to express on his score.

There is a funny observation, since we are talking about conducting:

The art of orchestral conducting emphasizes such senses as the consciousness of time and the consciousness of the elements that constitute a whole, the clever mix of these elements giving the sound consistency, impalpable, and this art giving to the one who It is not uncommon for a good conductor to be equally good at cooking! He will mix the ingredients of his dishes until reaching the flavors he has previously imagined, with the same sensitivity.

 

 

 

 

 

6. The moment of interpretation:

how far can we free ourselves from the rules?

 

 

It must be remembered here that 80% of the work of the conductor and the orchestra happens before and during rehearsals. During these rehearsals, the relationships between the different members of the orchestra, including the conductor, will be forged. On the other hand, it is during the rehearsals that the conductor will have the opportunity to discover the musicians' vision of the work they are going to perform, and the musicians will only have these rehearsals to take note of the leader's instructions. 'orchestra.

The second tool of the musician, and you will almost never find a musician without this tool is the pencil!

During these rehearsals, by means of verbal or gestural indications, the conductor will shape the performance of the musicians, like a living sculpture, and this is practically the only time it is possible, since they are united for this purpose. We can of course have different private interviews with some members of the orchestra before or after the rehearsals, take the time to check the bows with the first violin, repeat separately with the soloists, all this is possible but the work overall is irreplaceable.

The moment of interpretation, for both the conductor and each of the musicians, is an extremely intense physical and cerebral performance. The acoustics of the room and the presence of the audience increase the productive stress of each musician and create a desire to excel. The concentration of each is at its maximum, and all are aware of the fragility of sound balance tediously built in rehearsals.

 

It would be very risky to put all this balance in jeopardizing it in favor of a sudden inspiration, it would also deny the fact that this concert is the result of a long work during which few things were left to chance.

However, if we feel that the wheels of the orchestral machine work, just as we know when a car is in, the pure technique of conducting will be pleasantly alleviated, to go to the essential and give way to musicality.

 

 

Raphaël Sanchez, May 2000

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